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La maison du poète

Bien que « la petite maison au bord de l'eau » soit un lieu de refuge et de repos pour Stéphane Mallarmé, il y mène une vie très active, partagée entre l’écriture, le canotage, le jardinage et les mondanités.

Les douces journées de villégiature

« Tout le monde a un pays natal, moi j’ai adopté Valvins. »

En 1874, Mallarmé découvre « la petite maison au bord de l’eau », non loin de Valvins.

Simple et rustique (un « petit logis, dans un coin de ferme ») mais dotée d'un très beau jardin et située au bord de la Seine, la maison plaît tout de suite au poète. Il y loue deux pièces à l’étage : une salle à manger, alors complétée par une alcôve qui sert de couchage, et un petit cabinet. Il y vient en famille, d'abord l'été (en août et septembre), puis également à Pâques et à la Toussaint. Au fil des années, il multiplie et allonge ses séjours à Valvins.

La plénitude que lui procurent ces séjours le conduit, après sa retraite obtenue en 1893, à souhaiter s'installer plus durablement à Valvins.

En 1895, il obtient des propriétaires la possibilité de louer davantage de pièces, 2 à l'étage et 2 au rez-de-chaussée. Les nouvelles pièces de l'étage sont transformées en chambres à coucher : une pour Mesdames et une pour Monsieur, qui se réserve celle qui donne vue sur la Seine, qu'il affectionne tant. L'alcôve de la salle à manger, désormais inutile, est bouchée, ce qui permet l'aménagement d'une cuisine « spacieuse ». Le petit cabinet devient un « boudoir à ces dames » et l'appartement est entièrement redécoré avec soin par Mallarmé en personne. Après ces travaux, le poète s'installe à Valvins le plus souvent seul, plus longuement, au point d'y passer la moitié de l'année (de mai à novembre selon sa carte de visite).

Plus qu’un simple lieu de villégiature, la maison constitue pour Mallarmé un véritable lieu de ressourcement qui lui permet de fuir l'agitation et ses obligations parisiennes sans trop s'éloigner de la capitale.

Que fait-il lors de ses séjours à Valvins ?

Ici rien de nouveau : je remplis quelques feuilles de papier le matin et glisse en yole ou mouille ma voile au mauvais temps qu’il fait dans l’après-midi…

Lettre de Stéphane Mallarmé à Édouard Manet, 11 septembre 1882

L'écriture

Mallarmé consacre généralement ses matinées aux travaux d'écriture, même s'il lui arrive de s'occuper du jardin ou de canoter. Il s'installe à son secrétaire et traite son courrier – il entretient en effet une correspondance abondante avec ses contemporains – ou relit des épreuves de ses ouvrages en cours de publication.

Quant à son œuvre poétique, il est difficile de déterminer avec exactitude ce qui fut, en totalité ou en partie, écrit à Valvins. Seules quelques lettres échangées avec ses amis ou ses collaborateurs nous éclairent sur ses travaux de rédaction d'ébauches d’essais et de poèmes. Après avoir pris sa retraite, Mallarmé y consacre de plus en plus de temps.

Dans une chambre décorée par ses soins qu’il espère favorable au travail – « faite à [sa] mesure spirituelle » –, il travaille des textes de toute première importance, tels son grand œuvre, « le Livre », la version définitive d’Hérodiade ou encore Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, son dernier projet, premier poème typographique de la littérature française.

Le canotage

L’après-midi est toute entière consacrée au repos et à la détente. Si les bains et la pêche sont au programme, c'est surtout la navigation qui retient toute l'attention du poète. Le canotage est en effet son passe-temps de prédilection.

Mallarmé loue tout d’abord plusieurs embarcations, dont une yole et une périssoire, avant de se faire construire à Honfleur, entre 1876 et 1879, un canot en bois doté d’un mât et d’une voile blanche qu’il compare un jour à « une grande page blanche ». Baptisé « le S.M. », le canot devient le compagnon d’aventure de Mallarmé. Coiffé d’une casquette de marin, le poète navigue en toutes occasions, quand le temps le permet, pour se promener, seul ou accompagné, et trouver l’inspiration.

L’eau, régénératrice, lui permet également de se ressourcer avant d’affronter ses obligations parisiennes.

Me voici à la veille de mon retour, un peu retrempé et tout au moins déteint par l’eau du fleuve et le grand air.

Lettre de Stéphane Mallarmé à Henri de Régnier, 29 septembre 1891

Le jardinage

Le jardinage est l’un des grands plaisirs de Stéphane Mallarmé lorsqu'il séjourne à Valvins : « tous les matins », il se promène avec le sécateur, sabots aux pieds, pour « faire leur toilette aux fleurs avant la [sienne] ».

Pour en savoir plus sur ses activités de jardinage, consultez la page dédiée au jardin.

Les mondanités

Mallarmé, malgré son envie de « tout oublier », prend plaisir à recevoir à Valvins ses amis parisiens ou à rendre visite à ceux qui habitent ou séjournent dans les environs. Selon sa fille Geneviève, c'est un « incorrigible mondain ».

La « petite maison au bord de l’eau » voit donc passer certaines des personnalités les plus brillantes de l’époque, celles qui ont marqué l’histoire de l’art ou la littérature, du vivant de Mallarmé ou après sa mort, au début du 20ème siècle : Berthe Morisot, son mari Eugène Manet, leur fille Julie Manet et ses cousines Jeannie et Paule Gobillard ; Méry Laurent ; Paul Valéry ; Thadée Natanson et sa femme Misia ; James Abbott McNeill Whistler… Tous font, plus ou moins fréquemment, le voyage de Paris à Valvins sur l'invitation de Mallarmé.

La maison étant trop petite, Mallarmé loge ses invités dans des auberges avoisinantes, notamment à l’auberge du Port à l’anguille, dans l’actuel hameau des Plâtreries (Samois-sur-Seine), de l’autre côté du pont. La tradition est de venir y déguster la fameuse matelote d’anguille.

Venez m’interrompre, votre visite à tous sera une petite fête, à quoi se préparent rivière et forêt.

Lettre de Stéphane Mallarmé à Berthe Morisot et Eugène Manet, 21 août 1887