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Chaque mardi, rendez-vous sur le site internet du musée pour découvrir une nouvelle chronique sur le poète. Cette semaine, nous vous proposons un focus sur une nouvelle passion de Mallarmé : les chats.
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À partir du milieu des années 1880, tous les mardis soirs, Stéphane Mallarmé reçoit des hommes de lettres et des artistes, surnommés les « mardistes ». Pour rendre hommage à ces célèbres soirées, nous vous donnons rendez-vous chaque mardi sur le site internet du musée pour découvrir une chronique inédite sur le prince des poètes.
Quel plus facile coussin, pour un chat pelotonné, que les genoux de celui qui passe des heures, entre sa lampe et son poêle, la plume à la main, muet, accaparé par des pesées de syllabes et les subtils rapprochements de mots ?
Henri Mondor
Dans l'intimité du poète
Très jeune, Henri Mondor, célèbre médecin et homme de lettres, manifeste une véritable passion pour le poète Stéphane Mallarmé. Il lui consacrera plusieurs ouvrages dont Mallarmé plus intime, dans lequel il dédie un chapitre entier au chat de la famille, Lilith — la « vieille compagne, en robe de satin noir », si chère au poète.
En effet, la famille Mallarmé s'est toujours entourée d'animaux, notamment les chats qui avaient les faveurs du poète. Ainsi dès leur installation à Tournon en Ardèche, la petite Neige fait son apparition et cette « adorable maîtresse, toute blanche », enchante Mallarmé comme l'atteste sa correspondance.
Lettre à Théodore Aubanel, octobre 1864
« Moi, me voici de retour en mon exil, et moins triste, d'abord parce que je revois ma femme après une longue absence, puis parce que nous avons attendons ce baby qui, dis-tu, va me faire renaitre, - aussi parce que je vais travailller à mon Hérodiade, - enfin parce que j'ai une adorable maîtresse, toute blanche, et qui s'appelle Neige. C'est une chatte de race, jolie et que j'embrasse tout le jour sur son nez rose. Elle efface mes vers avec sa queue, se promenant sur ma table pendant que j'écris. »
Les poètes et les chats
Extrait de Mallarmé plus intime
L’époque était favorable à cet amour des chats et les amis du poète, Delacroix, Gautier, Manet Champfleury et autres, avaient tous, pour des raisons diverses, cette voluptueuse ou littéraire passion. On savait aussi que chez Victor Hugo, place Royale, un grand dais rouge s’élevait au milieu du salon et qu’un chat sans espièglerie y trônait, non loin du dieu. Chez Sainte-Beuve, le chat était plutôt rat de bibliothèque, se faufilait partout entre les monceaux de livres et de feuillets, ou somnolait vaguement sur la table de travail et près du feu. Parmi ces amateurs, les uns célébraient la singularité ou les bonnes manières des chats, leur morgue ou leurs songes, leur préciosité ou leur astuce. D’autres les disaient rebelles, fantasques, insidieux, féroces…
Pour Baudelaire, ce n’était pas que plaisir de caresses, de silence, d’intimité. Un goût plus subtil, un philtre, peut-être une occasion d’esthétisme satanique, s’y ajoutait. On a même voulu voir, entre le poète et les félins domestiques, « une profonde affinité naturelle ».
Mallarmé et Lilith
Extrait de Mallarmé plus intime
C’est à Paris que la chatte la plus notoire de Mallarmé, Lilith, connue des Mardistes, des courriéristes et constamment présente dans les préoccupations domestiques et la correspondance familiale de son maître, allait, pendant au moins douze ans, partager l’intimité du poète du silence.
Les habitués de la rue de Rome la voyaient entre deux portes ou la retenaient parmi eux, pendant les entretiens enivrants du magicien. […] Lilith enroulait quelquefois sa promenade recueillie ou sa recherche furtive de caresses autour des jambes de l’orateur ou de celles des Mardistes devenus progressivement, dans le soir, presque méconnaissables et comme estompés par l’épais nuage de fumée qui brouillait assez vite l’amicale cohue. […]
Lilith était d’ascendance noble. Sa grand’mère, Éponine, avait été, auprès de Théophile Gautier, […] Une des filles d’Éponine fut donnée à Théodore de Banville et cette chatte eut à son tour une fille, Lilith, que Banville offrit à son ami Mallarmé.
C’est dans les lettres de Mallarmé à Geneviève, en 1891, que l’on a trouvé les premiers mots du poète sur sa chatte préférée. Mais déjà une lettre d’août 1886 avait appris que Lilith était une assez ancienne compagne de Mallarmé et qu’il l’avait confiée, l’été, pour des vacances, à ses cousins Margueritte. C’est Victor qui avait écrit : « Lilith est tout à fait habituée à la maison, elle va, vient, monte, descend, et fait seulement psch en passant devant le chien. Mon Dieu que vous l’avez mal élevée ! Voilà la seconde nuit qu’elle découche ! Elle rentre seulement le matin avec une faim terrible. Si une fois rue de Rome, elle ne vous donne pas trois cents petits chats, ce ne sera pas la faute des matous de Sèvres. »
Quatrain de circonstance
Dans l’œuvre poétique de Mallarmé, Lilith a même figuré dans un quatrain de circonstance, destiné à Méry Laurent, la muse du poète.
Lilith confie à votre soin
Ce rejeton qu'elle fit naître
Pour qu'assis dans un petit coin
Ainsi vous revoyiez son maître.
Lilith à Valvins
Lilith accompagne très fréquemment Mallarmé lors de ses séjours en solitaire à Valvins, il donne alors régulièrement des nouvelles du félin à sa fille Geneviève restée à Paris, ce qui montre une nouvelle fois l'attachement et la tendresse de la famille pour celle qui demeurera auprès du poète jusqu'à sa disparition en septembre 1898.
19 juillet 1891:« …Lilith reporte sa tendresse sur moi, et me lèche le nez, sur l’appui de la fenêtre, où je m’accoude à regarder un petit steamer… »
17 mai 1897 : « … J’ai été réveiller Lilith qui dormait dans un journal mis sur les coussins japonais du cabinet et la voici — elle est folle — sur ma cheminée assise, à côté de la pendule. »
20 mai 1897 : « …Rien ne se passe ici ; le jardin, le soir, bourdonne de hannetons dans les marronniers à peine feuillus ; l'autre jour, je fumais ma pipe au clair de lune, et qu'ai-je vu, ouvrez les quatre yeux ! Sur la bâche du chaland de plâtre, blanchie de lune, ramper silencieusement Lilith… »
Mallarmé parle également d'elle dans sa correspondance avec ses amis comme Henri de Régnier : « A mesure que Lilith prend de l’âge, elle a une figure plus humaine, et c’est mélancolique de voir ce beau regard ramper tout à coup et disparaître sous un meuble… C’est étonnant comme ces animaux sont faits pour emmagasiner la caresse. Ils en ont la forme même et donnent le plaisir de la prolonger en s’amincissant, sur la queue, comme une chevelure. »
En 1900, on apprend la mort du célèbre félin à travers une lettre de Paul Valéry à Geneviève Mallarmé : « Cette pauvre, vieille, noire et somptueuse personne erre dans le souvenir de qui est venu chez vous. C'était une caresse fluide aux meubles, un mauvais regard merveilleux à tous les insolites et ce luxe singulier des choses qui ne sont pas amies avec tout le monde. Elle avait l'air de songer parfois : "Ah ! si j'étais le Maître de céans, toi, raseur, tu ne serais pas ici !" et filait. D'autres chatteries me requièrent. Je tourne un peu à l'angora, et les soirs, sinon sur le toit, mais auprès, il y a de parfois silencieux concerts »
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