Actualités

Un mardi avec Maurice Denis : un petit air de poésie

Chaque mardi, rendez-vous sur le site internet du musée pour découvrir un écrit sur le poète.
Cette semaine, nous vous proposons de plonger dans la poésie de Mallarmé illustrée par Maurice Denis.

Date de publication de la page et auteur de publication

Créé le:

À partir du milieu des années 1880, tous les mardis soirs, Stéphane Mallarmé reçoit des hommes de lettres et des artistes, surnommés les « mardistes ». Pour rendre hommage à ces célèbres soirées, nous vous donnons rendez-vous chaque mardi sur le site internet du musée pour découvrir un écrit sur le prince des poètes.

Le Voyage d'Urien

En 1892, Maurice Denis réalise trente lithographies pour illustrer Le Voyage d'Urien, récit symboliste d'André Gide, ​​​​​​alors jeune disciple de Mallarmé. L'année suivante, les deux hommes font parvenir le premier exemplaire édité « au maître » très touché de cette attention : 

« Mon cher ami, Vous avez fait, avec le Voyage d'Urien, quelque chose de solitaire  ; qui restera, entre Poe et de rares, une des mes lectures. [...] Croyez-moi heureux  ; et comme je suis touché d'un certain numéro 1, authentique s'il cote l'admiration. Remerciez M. Denis ; sa décoration d'une étrange suavité, magistrale et ingénue  ! » (Lettre à André Gide, juin 1893). 

En 1894, Maurice Denis réalise deux lithographies inspirées des poèmes de Mallarmé Petit Air et Apparition.

 

 

Petit air

Intitulée Baigneuse, la lithographie illustrant le poème Petit air de Stéphane Mallarmé, est publiée pour la première fois dans le premier numéro de la revue L’Épreuve en décembre 1994. Fondée par Paul Fort et Maurice Dumont, L'Épreuve, Album d'Art, est une revue littéraire et artistique à laquelle collaborèrent de nombreux artistes symbolistes français, dont Maurice Denis, Paul Gauguin, Pierre Bonnard ou encore Édouard Vuillard.

Cette gravure représente une jeune femme nue sur le point de se baigner près d'un point d'eau. Maurice Denis reprendra d'ailleurs ce motif quelques années plus tard pour la couverture de son livre d'estampes Amour. Douze lithographies en couleurs qu'il réalise à la demande de l'éditeur Ambroise Vollard. 

La version conservée au musée présente également la première partie du poème Petit air en caractères manuscrits avec en prime le monogramme de Stéphane Mallarmé. 

Quelconque une solitude
Sans le cygne ni le quai
Mire sa désuétude
Au regard que j'abdiquai

Ici de la gloriole
Haute à ne la pas toucher
Dont maint ciel se bariole
Avec les ors de coucher

Mais langoureusement longe
Comme de blanc linge ôté
Tel fugace oiseau si plonge
Exultatrice à côté

Dans l'onde toi devenue
Ta jubilation nue

Petit air II

Indomptablement a dû
Comme mon espoir s'y lance
Eclater là-haut perdu
Avec furie et silence,

Voix étrangère au bosquet
Ou par nul écho suivie,
L'oiseau qu'on n'ouït jamais
Une autre fois en la vie.

Le hagard musicien,
Cela dans le doute expire
Si de mon sein pas du sien
A jailli le sanglot pire

Déchiré va-t-il entier
Rester sur quelque sentier !

Apparition

La lithographie Apparition féminine de Maurice Denis a été réalisée en 1894 pour la couverture de la partition d'André Rossignol d'après le célèbre poème de Mallarmé. 

Ce poème, écrit vers 1863, n’a été édité qu’en 1883 dans Les Poètes maudits de Paul Verlaine. Même si, comme de nombreux poètes, Mallarmé était très réservé sur la mise en musique de ses textes poétiques qu’il pensait suffisamment « musicaux » par eux-mêmes, il ne s’est pas opposé au souhait d’un jeune musicien ami de Berthe Morisot, André Rossignol, d’écrire une mélodie sur ses vers.

C’est pour l’édition de cette partition que Maurice Denis réalisa, à la demande du compositeur, cette lithographie qui reprend avec quelques adaptations les principaux éléments évoqués dans le poème : le motif principal en est la fée – sans cependant son « chapeau de clarté » - immense « apparition » dans une vague rue ancienne ; les séraphins en pleurs sont figurés par de jeunes musiciennes dont les archets ont fait place à des harpes.

Mallarmé possédait un exemplaire de la partition imprimée avec la couverture de Maurice Denis ainsi que la partition manuscrite d’André Rossignol qui se trouvent actuellement dans une collection privée. 

 

La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
- C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au cœur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'œil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.

Voir aussi