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Un mardi en musique : de Boulez à Mallarmé

Chaque mardi, rendez-vous sur le site internet du musée pour découvrir un écrit sur le poète.
Cette semaine, nous vous proposons un intermède musical autour des poèmes de Stéphane Mallarmé.

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À partir du milieu des années 1880, tous les mardis soirs, Stéphane Mallarmé reçoit des hommes de lettres et des artistes, surnommés les « mardistes ». Pour rendre hommage à ces célèbres soirées, nous vous donnons rendez-vous chaque mardi sur le site internet du musée pour découvrir un écrit sur le prince des poètes.

Sur les sentiers de la poétique : de Boulez à Mallarmé

Dans son émission radiophonique « Musique de notre temps », Georges Léon s’interroge sur le processus de la création et de l'interprétation. Il met en parallèle la démarche du poète Stéphane Mallarmé et celle de ceux qui l'ont mis en musique : Pierre Boulez, Anton Webern, Claude Debussy et Maurice Ravel. 

Il nous faut peu de mots pour exprimer l’essentiel, il nous faut tous les mots pour le rendre réel.

Paul Éluard

Diffusé en 1981, c'est à partir de cette citation du Paul Éluard que se construit cet épisode dédié à Mallarmé. Son présentateur et producteur, Georges Léon, se demande si cette maxime s'applique également aux sons et à la musique : « C'est le processus de la création qui nous intéresse. Celle de Boulez et de Mallarmé» 

Il rappelle également ce que le compositeur disait au sujet du poète : « On ne peut oublier que Mallarmé était obsédé par la pureté formelle, par la recherche absolue de cette pureté. Sa langue en porte le témoignage, ainsi que sa métrique. La syntaxe française, il la repense entièrement pour en faire un instrument original. »

Pour illustrer son propos, plusieurs adaptations par Pierre Boulez des poèmes de Mallarmé sont présentées ainsi que des œuvres musicales de Webern, Debussy et Ravel, compositeurs pour qui la poésie mallarméenne eut une influence considérable. 

 

Rediffusion « Musique de notre temps »

 

 

L'héritage musical du poète

Attiré très tôt par le milieu symboliste, Debussy découvre Stéphane Mallarmé avec le poème Apparition dont il livre une composition en 1884. En 1887, les deux hommes se rencontrent à l'occasion d’un mardi littéraire chez le poète qui demande au compositeur d’illustrer son projet théâtral autour du faune.

Le projet n’aboutit pas mais Debussy poursuit son travail et achève en 1894 la partition du Prélude à l’Après-midi d’un faune, inspiré du célèbre poème mallarméen. Il invite alors le poète à l’entendre au piano : « Mallarmé vint chez moi, l’air fatidique et orné d’un plaid écossais…après avoir écouté, il resta silencieux un long moment et me dit :

je ne m’attendais pas à quelque chose de pareil ! Cette musique prolonge l’émotion de mon poème et en situe le décor plus passionnément que la couleur…

Stéphane Mallarmé

L'œuvre reçoit un accueil mitigé car Debussy y invente un nouveau langage musical libéré des codes traditionnels à tel point que pour les historiens de la musique, la première du prélude qui a lieu en 1894, marque symboliquement le début de la musique dite « moderne ».

La poésie de Mallarmé, qui porte une grande attention au rythme et à la musicalité des vers, continuera d'inspirer les compositeurs bien après sa mort. En 1913, Debussy et Ravel, rivaux, mettront en musique la même année les poèmes Soupir et Placet futile. En 1929, ce dernier témoignera dans un entretien* au New York Times sa profonde admiration pour le poète : 

« Je considère Mallarmé non seulement comme le plus grand poète français, mais comme le seul, puisqu’il a rendu poétique la langue française, qui n’était pas destinée à la poésie. Les autres, y compris cet exquis chanteur qu’était Verlaine, ont composé avec les règles et les limites d’un genre très précis et très formel. Mallarmé a exorcisé cette langue, en magicien qu’il était. Il a libéré les pensées ailées, les rêveries inconscientes, de leur prison. »

*Maurice Ravel : Entretien avec Olin Downes, 7 août 1929.

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