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Réouverture du musée
La maison du poète rouvre ses portes au public le 2 mai 2025.
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Pour plaire à sa muse, la belle Méry Laurent, Stéphane Mallarmé remanie en 1893 quelques-uns des plus célèbres Contes et légendes de l’Inde ancienne, de l’orientaliste Mary Summer, publiés en 1878.
Avec tout son talent, le poète met en scène une Inde légendaire et mystérieuse, dans laquelle princes et princesses usent d’enchantements et de sortilèges pour parvenir à leurs fins et trouver l’amour.
Le nouvel ouvrage, intitulé Contes indiens, paraît en 1927 sous l’impulsion du gendre de Mallarmé, Edmond Bonniot, qui en livre d’ailleurs l’avant-propos. L’édition originale conservée au musée comporte de sublimes illustrations et lettrines en couleurs de l’artiste Maurice Ray.
Sur les sept nouvelles, le poète a réécrit très librement quatre contes du recueil originel : « Le Portrait enchanté », « La Fausse Vieille », « Le Mort vivant » et « Nala et Damayantî » dont des extraits sont dévoilés ci-dessous.
« Moi, de mon côté, je n’ai pas perdu de temps : avec du bétel, de la noix d’Arek, du camphre pilé, du cardamone et du bois de corail, j’ai fait mon portrait, que je crois ressemblant. Présente comme un autre objet rare, dont le paon éblouissant fut le précurseur, ce tableau, aujourd’hui même, à la reine; et tu feras ainsi qu’après avoir possédé, dans ce bijou, ce que, pour elle, résume, déjà, de scintillements et de feu, sa rêverie à l’amant qu’elle ignore, la belle considère, sans se douter davantage qu’il existe, ou que ce soit mieux qu’une fantaisie, enfin l’image de l’inconnu. Tu m’apprendras ce qu’elle en pense. »
« Dans le royaume de Mathoura pareil à la queue d’un paon, où le sol, au lieu de fleurs, entr’ouvre des yeux d’émeraude et de diamant, vivaient, sous ce regard, deux petites princesses, leur mère morte de bonne heure. Un rajah, leur père, à barbe grise, qui s’ingénia d’épouser en secondes noces une jeune femme très belle et très méchante. Détestant ses belles-filles, les maltraitant. Ce vieillard amoureux et dominé la laissa faire; chaque jour apportait son tourment. À bout de patience, les enfants résolurent de s’enfuir; ces deux fortes têtes, de quatorze et de quinze ans, mûrirent, sous leurs boucles, un plan d’évasion. »
« Un nuage de tristesse comme il en passe sur les visages humains, ce midi s’attardait au ciel ordinairement heureux d’une contrée de l’Inde, sur les bords de la Yamouna. Le deuil régnait; douloureux plus qu’à l’époque, fatale deux fois, où le roi blessé à la chasse mortellement par un tigre, la reine mourut en donnant le jour à une fille : celle-ci, enfance délaissée, joyau d’innocence, de solitude et de charme, quittait le royaume natal, devant la haine de calomniatrices, ses belles sœurs. »
« Le cygne poursuivi s’arrête et, liant l’épaule ronde de la jeune fille, lui murmure : « Princesse, un roi respire, le plus beau des hommes, parce que tu es la merveille des femmes : Nala, maître du Nichadha, seul époux digne de toi. » Le cygne, secouant sa neige, disparaît, la vierge reste frappée au cœur; elle ignore que, loin de là, passant sur un bois, il jette ce cri à quelqu’un, pensif à l’intérieur : « Je te suppliai, grand roi, d’épargner ma vie et de me rendre à l’espace; tu le fis et, selon ma promesse, je parlai à Damayantî de façon qu’elle n’aime jamais autre que toi. »