Flash info
Réouverture du musée
La maison du poète rouvre ses portes au public le 2 mai 2025.
Pour patienter, retrouvez l'actualité du musée sur notre site internet et nos réseaux sociaux.
Actualités
Créé le:
En 1887, Mallarmé fait appel à ses amis impressionnistes pour illustrer son nouveau projet poétique, le recueil Le Tiroir de laque, qui devait réunir ses poèmes en prose, et restera finalement à l'état d'ébauche.
Le poète sollicite l'aide de plusieurs artistes dont Claude Monet a qui il confie son poème « La Gloire » ou encore Auguste Renoir qui hérite du conte « Le Phénomène futur » pour lequel l'artiste réalise une gravure qui deviendra finalement le frontispice d'un autre recueil de Mallarmé intitulé Pages en 1891.
Quant à sa chère amie Berthe Morisot, Mallarmé lui destine l’illustration du « Nénuphar blanc » duquel il subsiste aujourd'hui plusieurs pointes sèches dont la plus célèbre demeure Le Lac du bois de Boulogne qui est entrée cette année dans les collections du musée Stéphane Mallarmé.
Dans son article « Les impressionnistes et Stéphane Mallarmé », Jean-Nicolas Illouz, professeur à l’université Paris VIII, spécialiste de la littérature du XIXe siècle et auteur de l'ouvrage Mallarmé entre les arts, démontre comment le poème « Le Nénuphar blanc » peut être considéré comme une œuvre foncièrement impressionniste :
« Ce que Mallarmé observe chez les peintres impressionnistes éclaire par contrecoup sa propre recherche poétique. Un poème plus particulièrement peut en témoigner : il s’agit du Nénuphar blanc, que Mallarmé aurait voulu voir illustré par Berthe Morisot au moment où il envisageait de composer, avec ses amis peintres, Le Tiroir de laque qui eût rassemblé quelques-uns de ses poèmes en prose. On sait que le projet n’aboutit pas ; mais il nous reste de Berthe Morisot quelques pointes-sèches qui semblent en effet liées, plus ou moins directement, au poème de Mallarmé.
Impressionniste, le Nénuphar blanc le serait d’abord par son thème, qui semble emprunté aux peintres : une rivière ; par un « juillet de flamme » ; un rameur dans sa yole, « comme le rire de l’heure coulait alentour » ; une femme imaginée, indéfiniment réfléchie dans le paysage, quand par exemple « la buée d’argent des saules » se confond avec « la limpidité de son regard habitué à chaque feuille ». [...]
Mais le poème est impressionniste surtout dans la manière dont Mallarmé réinvente la prose comme les peintres réinventent leur art « fait d’onguents et de couleurs ». Il s’agit – en récusant dans la langue toute norme préalable – de faire en sorte que l’ordre des mots dans la prose épouse l’ordre des choses, tel que celles-ci se présentent à la perception d’abord, puis à la conscience. Ainsi dans cette évocation de la rivière, révélée à chaque coup de rame, « pli selon pli », selon un mouvement large d’abord puis ralenti, quand l’eau vive s’alanguit en un « nonchaloir d’étang », lui-même faisant bientôt pressentir la présence d’une « source ». [...]
Tout se passe comme si les leçons de l’impressionnisme incitaient Mallarmé à renouveler toujours plus radicalement la langue. De même que les peintres impressionnistes, par le choix du « plein air » et par le « déconditionnement » du regard, ont appris au public à voir les choses quotidiennes comme s’il les voyait « pour la première fois »
– de même Mallarmé, en bouleversant dans ses proses la syntaxe ordinaire, invite le lecteur à lire comme si jamais il n’avait lu. »