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Un mardi avec Munch : le portrait de Mallarmé

Edvard Munch, Stéphane Mallarmé, 1897, estampe, Institut national d’histoire de l’art, collections Jacques Doucet.
Chaque mardi, rendez-vous sur le site internet du musée pour découvrir une nouvelle chronique sur le poète.
Cette semaine, nous vous proposons de découvrir le poème impressionniste de Mallarmé « Le Nénuphar blanc ».

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À partir du milieu des années 1880, tous les mardis soirs, Stéphane Mallarmé reçoit des hommes de lettres et des artistes, surnommés les « mardistes ». Pour rendre hommage à ces célèbres soirées, nous vous donnons rendez-vous chaque mardi sur le site internet du musée pour découvrir une chronique inédite sur le prince des poètes.

Edvard Munch, le mardiste

Edvard Munch, peintre et graveur expressionniste norvégien, réalise un long séjour à Paris entre 1889 et 1892. L'artiste revient en France en 1896-1897 à l’occasion d’une exposition à la Maison de l’Art nouveau de Samuel Bing et d’une première participation au Salon des Indépendants. C’est pendant ce second séjour qu’il fait la connaissance de Stéphane Mallarmé et devient un invité régulier des mardis de la rue de Rome.

Munch réalise à cette époque deux portraits gravés du poète, une lithographie, dont il existe deux états, et une aquatinte, qui donnèrent lieu à quelques échanges de correspondance entre les deux hommes. La lettre de Munch à Mallarmé du 25 mars 1897 permet de comprendre que l’artiste a travaillé chez lui à partir d’une photographie que le poète lui avait prêtée, sans doute celle réalisée par Paul Nadar à la fin des années 1880. 

Le rendez-vous au cours duquel la photographie fut remise au peintre est d'abord prévu fin décembre 1896 mais remis à janvier 1897 à cause d’une indisposition de l’artiste. Le 23 mai 1897, Geneviève Mallarmé écrit à son père qui séjourne alors à Valvins : « M. Munch, le dessinateur norvégien du commencement de l’hiver, envoie le portrait qu’il a fait de toi. C’est assez joli, mais cela ressemble à ces têtes de Christ dont l’empreinte est sur le mouchoir d’une sainte et sous lesquelles il est écrit : 

Regardez longtemps, vous verrez les yeux se fermer

La correspondance entre Munch et Mallarmé

Lettre de Munch à Mallarmé, 25 mars 1897

Cher Monsieur

Voulez-vous m’excuser de garder si longtemps la photographie que j’ai de vous. Beaucoup de travaux et d’affaires m’empêchent d’apporter toute la diligence nécessaire pour terminer au plus tôt cette gravure.

Je n’oublie pas que vous m’avez recommandé la photographie et dans quelques jours, j’espère, tout sera fini.

Veuillez me croire, en toute admiration,

Votre dévoué

Edvard Munch   

Lettre de Mallarmé à Munch, 15 juin 1897

Cher Monsieur Munch

Une installation lente et à plusieurs reprises, ici, d’où je vous serre la main, m’excuse à peine de ne pas avoir remercié du saisissant portrait ; dans lequel je me sens intimement.

Toute mon affectueuse gratitude et mille fois merci.

 Votre Stéphane Mallarmé

Lettre de Munch à Mallarmé, juin-juillet 1897

Mon cher Maître !

Voulez-vous m’excuser d’avoir gardé ausssi longtemps votre photografie et mettre mon silence sur le compte de mon embarras pour écrire en français – depuis beaucoup de choses qui m’a occupé à Paris le denier temps.

Vous avez du recevoir une lithografie que j’ai essayé de faire aussi bien que possible – Maintenant de Norvège je tiens à vous remercier tout particulairement de votre amabilité et vous exprimer encore ma très sincere reconnaissance.

Edvard Munch

Lettre de Mallarmé à Munch, juillet 1897

Cher Monsieur Munch

J’ai pensé, au reçu de la photographie que m’envoya, effectivement, notre ami Rambosson, à la perte, à Paris ou quelque part, du mot où je vous remerciais du beau portrait. J’y exprimais je crois, que je m’y sens et m’y devine beaucoup et vous pressais affectueusement la main pour ce motif, avant même d’admirer la franchise et la hardiesse du dessin. Ce me resterait un beau souvenir de notre rencontre, cet hiver, si je ne croyais qu’elle se renouvellera quelque jour. Je me plais à espérer, en effet, que vous n’avez quitté la France que momentanément et pour retrouver en Norvège la fraîcheur du passé.

Votre main très fort

Stéphane Mallarmé

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